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MARIANNE

«Il n’y a pas de méthode pour le bonheur»

Rédigé par M.C. le Samedi 19 Avril 2008

MarianneComment résumer simplementla Joie du bonheur d’être heureux?

Pascal Fioretto: L’histoire commence avec une jeune femme, Aimée, qui découvre en une du magazine PsychoPlus la solution qui promet aux lecteurs de devenir soi-même en mieux. C’est à partir de ce moment qu’Aimée va tenter de trouver son bonheur. Et, pour cela, elle va essayer tout et, surtout, n’importe quoi.

Quelle tyrannie dénoncez-vous?

P.F.: Mon intention était de décrire cette condition de désarroi existentiel. Il y a beaucoup de marchands de bonheur qui essayent d’en faire un commerce. Notre bonheur est devenu un nouveau créneau marketing. J’ai tenté, à travers ce livre, de rire de ces méthodes. Tout est passé en revue: la spiritualité «light», l’estime de soi, les Omégas 3, la littérature lénifiante (Coelho, Salomé…), la résilience (même si je m’en amuse, je ne mets pas les travaux de Cyrulnik dans le même sac que les ouvrages de certains escrocs en vente libre en librairie)

Selon vous, que cachent ces méthodes?

P.F.: Encore récemment, le corps était l’étalon du bonheur. On nous obligeait à être bronzés mais pas trop, musclés là où il faut et performant dans tous les domaines, dans le couple comme au travail. Maintenant, en plus, c’est l’esprit qui doit suivre un standard. Il existe des méthodes, des séminaires d’entreprise, des stages de développement personnel, des méthodes de pensée et d’autres niaiseries plus ou moins dangereuses qu’on fait avaler à n’importe qui. Notre société devient de plus en plus normative, la joie et le bien être deviennent obligatoires. On nous dit que l’on peut guérir autrement que par la médecine, que l’on peut régler en cinq minutes des problèmes qui se traitent en sept ans sur un divan, lors d’une thérapie.

«Joie», «bonheur», « heureux», ces trois mots sont très forts. Pourquoi les avoir regroupés dans un titre?

P.F.: Effectivement, ce sont trois concepts très forts. Les regrouper dans le titre, c’est les démonétiser. Malgré cela, le livre est resté classé, durant des semaines, dans les meilleures ventes en essais sur le « développement personnel »… Mon titre n’était sans doute encore pas assez pléonasmatique…

Pour quelles raisons avoir choisi la forme d’un journal intime?

P.F.: C’est la meilleure façon de raconter cette quête du bonheur, de l’intérieur. C’est tellement paradoxal : on est dans une recherche personnelle par nature et pourtant on essaie de suivre une méthode, de se conformer à une norme. Il faut à tout prix chercher à gommer son désarroi et, pour cela, on fait des efforts surhumains ou des stages hors de prix qui dénaturent l’idée même de bonheur.

Certains vont jusqu’à faire l’éloge de la déprime. Ca vous inspire quoi?

P.F.: Cette vision de bonne santé mentale et physique permanente, je la trouve dangereuse. La déprime (que je ne confonds évidemment pas avec la dépression) est un anticorps, elle peut être créative en un sens, on en apprend toujours quelque chose. Il faut la dépasser, atant que possible, c’est sûr, mais pas la fuir à tout prix. Cette quête de la vie sereine et parfaite, de l’idéal, c’est une sorte de totalitarisme du bien-être. J’applaudis ces gens qui assument la déprime. Peut-être devrions-nous accepter qu’on aura toujours des névroses ou des addictions.

Quant à vous, êtes-vous heureux? C’est quoi, votre thérapie?

P.F.: Je suis dans ce que l’on appelle la «béat-attitude». Non, sans plaisanter, je ne suis pas très heureux, comme tout le monde. Mais trop malheureux non plus.

J’essaie de me rappeler les paroles du psaume 126 que j’ai mis en exergue de « La Joie du Bonheur d’être heureux » : « Le Seigneur comble son bien aimé quand il dort ». une belle invitation au lâcher-prise !

Et je suis aussi bourré d’omégas 3 [rires]. Ma thérapie: dormir, s’abandonner à la providence et se laisser surprendre. Il ne faut pas chercher le bonheur, car il ne survit pas aux recherches.

Quel sera votre prochain bonheur?

P.F.: Revoir mon amour dans moins d’une heure.