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Le Journal du Dimanche

Le regard de Pascal Fioretto

| 21 Novembre 2009

Ecrivain et journaliste, chroniqueur au magazine Fluide glacial, Pascal Fioretto publie régulièrement des pastiches littéraires chez Chifflet & Cie: Et si c’était niais (2007), La Joie du bonheur d’être heureux (2008) et L’Elégance du maigrichon (2009).

Dîner trop parfait
Il semble que l’énorme succès de l’émission de M6 Un dîner presque parfait, dans laquelle des anonymes s’invitent en rivalisant d’innovations culinaires et de décorations de table, commence à influencer les dîners en ville. Oublié le temps où la maîtresse de maison, débordée, passait acheter de la blanquette et du saumon chez le traiteur d’en bas en rentrant du bureau. Vos hôtes prennent désormais une demi-journée de RTT pour avoir tout le temps de vous mitonner un repas inoubliable.

Ce glissement de la gastronomie à la gastronomanie (certains s’offrent des cours de cuisine au Ritz) se repère dès le vestibule où l’absence d’effluves constitue la première alerte. “Tout est fait minute”, vous rassurera la cuisinière, ravie de tester sur vous la soupe au chou moléculaire d’un chef à la mode qu’elle répète depuis la veille.

En guise de “mise en chaise” (sic), des verrines trônent au centre d’un chemin de table à base de bois flotté et de coquilles d’huîtres tandis que des assiettes carrées (forcément carrées) attendent de voir défiler l’entrée ratée (“J’ai dû forcer sur l’évanescence de vinaigre d’endive”), le plat principal servi cru (“la cuisson au sèche-cheveux, c’est hyperdélicat”) et le dessert foiré (“J’ai pas trouvé de rhubarbe de Sicile, j’ai mis des cacahuètes”).

Bien entendu, un repas de cet acabit, ça ne s’avale pas sans commentaires obligatoires sur le camaïeu des amertumes, la dialectique croquant-fondant, l’approche levi-straussienne du cru et du cuit. Au moment du vote, on mettra 10 à tous les plats, on prétextera une nourrice défaillante pour s’éclipser et on en profitera pour se mettre au régime. Que le gastronomane prenne son pied à table, c’est son droit le plus strict (j’en connais qui ont de petits orgasmes au moment des mignardises et de l’addition) mais qu’il nous oblige à jouir avec lui, c’est du viol alimentaire.

La maire et ses pairs
Le PS traverse une crise d’identité carabinée. Les symptômes sont sévères mais classiques: retour du refoulé (Ségolène envahissant le meeting de Vincent), clivage du moi (discours opposés sur l’Europe), bouffées délirantes (Malek Boutih expliquant pourquoi il est trop ambitieux d’espérer perdre en 2012), etc. “Que faire?” , se demande le dirigeant socialiste déboussolé.
Et si, au lieu de la psychiatrie lourde préconisée par Peillon, on essayait la psychanalyse? “Allonge-toi et marche!”, conseillait Freud à ses patients désireux d’en finir avec leurs “empêchements névrotiques”. Il est prouvé que pour peu qu’on accepte de se mettre à découvert – intellectuellement et financièrement – la cure psychanalytique permet souvent de devenir soi-même en mieux. Pour le PS actuel, les marges de progrès sont donc quasi infinies.

Comme dans tout travail analytique, Martine Aubry devra ainsi commencer par tuer son Père (pas le sien, le symbolique, François M.) puis se garder de ses pairs Verts afin d’éviter la forclusion de son rôle de maire castratrice. Ensuite, il lui faudra faire taire le non-dit des courants (“Les coups, rends!”, aurait écrit Lacan), labourer le champ des possibles ségoléniens, ménager son “ça” (Mélenchon) tout en négociant avec son surmoi (Bayrou). Enfin, ce travail terminé, il sera temps pour elle de passer au contre-transfert sur Nicolas S. Mais il y a urgence car, en psychanalyse, plus la cure est longue, plus les effets sont rapides. C’est mon psy qui me l’a dit.

Les métrosexuels marquent des buts
En attendant que tombe enfin le tabou de l’homosexualité dans le milieu du football – comme l’a promis la Fédération allemande la semaine dernière – c’est la vague métrosexuelle qui y fait des adeptes. Ronaldo, Zidane, Beckham, Gourcuff, Henry (désormais surnommé “la main baladeuse”), la liste des footeux métros est bien trop longue pour en permettre l’outing complet.
Mais rassurons immédiatement Thierry Roland et les supporters homophobes bourrus (j’en connais): le métrosexuel est un hétéro de base qui préfère s’ébattre avec des femmes (à qui il peut emprunter leur blush) plutôt que d’aller à la biennale des antiquaires ou dans un bar à moustaches entre amis. A la rigueur, il acceptera de poser nu pour un calendrier (si le lissage de peau matifiant est offert par la prod’).

Exact contraire du rugbyman chiffonné avec poils dans les oreilles, le footballeur métrosexuel est toujours nickel, french manucuré et sent bon la framboise écrasée même après 90 minutes face à l’Eire. Normal: pour les matches en extérieur, son vanity case de voyage contient au minimum un gel de rasage désincrustant, un shampoing démêlant, un gel douche régénérant et des alicaments au cranberry. Côté look, en bon fashionisto, il écume les boutiques à la recherche de l’accessoire qui fera la différence dans les vestiaires.

Hélas, si l’on en croit les tabloïds qui le traquent, le métrosexuel a une vie affective souvent tourmentée. Ses copines seraient-elles jalouses de l’amour qu’il porte à son apparence? Certains murmurent qu’en dépit de leur ravageur pouvoir de séduction, beaucoup de métros doivent se contenter du air love (équivalent libidinal de la air guitar). Même en short de la Fifa, c’est quand même pas très rigolo.

Le rendez-vous de 2012
Les astrologues et les frères Bogdanoff sont formels: sauf erreur de virgule ou d’arrondi, le grand basculement de Gaïa (la Terre) dans l’ère du cinquième soleil est fixé au 21.12.2012 à 21h12. Les millions d’entrées du film à grand spectacle 2012 nous disent assez que la vraie question à se poser en ce moment est donc celle-ci: lorsque adviendra le dernier transit de Vénus et les cataclysmes y afférents, la France sera-t-elle apocalypse ready? Sans vouloir jouer les Alain Duhamel mayas, gageons que le président élu en mai 2012 sera celui qui aura su démontrer qu’il est le plus à même de préparer le pays à sa destruction finale, véritable apothéose du quinquennat le plus court de l’histoire de France.