Officiellement nouveau :

Revue de presse LE PACTE SECRET

Marianne

La campagne imaginaire

Rédigé par Anna Borrel le Mercredi 27 Décembre 2006
Nouveaux visages, nouveaux enjeux… La campagne de 2007 donne des idées aux artisans d’un genre inédit : la politique fiction. Ou l’illustration tout en fiction d’un réel trop présent.

Tandis que les rayons des librairies croulent sous les livres d’enquêtes, les biographies et les professions de foi des candidats, la campagne présidentielle de 2007 inspire la naissance d’un genre nouveau. On en avait vu les prémices à travers quelques films et téléfilms mettant en scène le président, ou la présidente d’une France à peine imaginaire, mais voilà qu’il s’enrichit à présent de réalisations de plus en plus délirantes…et pourtant très sérieuses. La politique fiction s’invite dans l’année électorale et ouvre la voie à tous les fantasmes, quelque part dans la zone grise entre le virtuel et la réalité. Même les principaux intéressés acceptent désormais de se prêter au jeu : toutes les semaines, dans l’émission de Franz-Olivier Giesbert, la question « Et si… » est devenue un rituel appprécié. Et si Nicolas Sarkozy était élu, mais que la gauche gagnait les législatives, et si Jacques Chirac se représentait…

Ecrire tout haut ce que tout le monde pense…
« Mêler fiction et politique permet de dire ce que tout le monde sait mais que l’on ne saurait écrire autrement », explique Albert Algoud. Le Pacte secret, ouvrage qu’il cosigne avec Pascal Fioretto promet de marquer la rentrée littéraire de janvier : rocambolesque et romanesque, il donne à voir Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy dans leur quête éperdue pour une cocarde sacrée, symbole perdu – ou peut-être momentanément égaré – de la République. Le prétexte donne lieu à un road movie riche en péripéties, lors duquel les deux candidats frôlent le flirt… Mais gare ! « Tous les dialogues sont nourris de citations réelles, tous les personnages secondaires – les alliés de Sarkozy à l’Intérieur, les proches de Ségolène Royal – existent. Nous nous sommes énormément documentés », précise l’auteur. La bibliographie qui clot cette romance en témoigne et la fiction n’en est que mieux sertie, dans son écrin de vérité.

Le vrai est-il bien vraisemblable ?
Parfois, il arrive que les deux se mélangent à tel point qu’il devient impossible de démêler le vrai du faux sur ces candidats qu’on connaît trop, qu’on croit connaître, et dont on ne sait pourtant rien de la sincérité ou de l’opportunisme. L’histoire qui a précédé l’écriture d’une autre promesse littéraire du mois de janvier est, à cet égard, troublante. Pierre Maraval, artiste, photographe, que rien ne prédestinait à écrire sur la politique si ce n’est l’intérêt très français qu’il nourrissait pour ce monde, assure avoir été contacté par une « gorge profonde », un informateur mystérieux qui aurait influencé son livre. Dans Main basse sur l’Elysée, il imagine, écrit ou décrit les guerres intestines qui minent l’UPM (un anagramme mystérieux et probablement fortuit). A travers le regard d’une innocente journaliste du Herald Tribune, il décrypte les tensions entre un président et son ministre de l’Intérieur, candidat à l’élection. Annexe à la fiction, les mails reçus pendant l’écriture de l’ouvrage, rédigés par cette « personne bien informée » sont soigneusement joints à la fin de l’opus. « Sans faire de prédiction, je prolonge l’histoire jusqu’au second tour de l’élection présidentielle, raconte l’auteur. Le but n’est pas que cette fiction colle à la réalité mais plutôt qu’elle éclaire la vie des dernier peoples, des dernières stars qui ont quelque chose à dire : les hommes et les femmes politiques. » La littérature leur donne cette humanité qu’ils cherchent toujours à cacher, révèle leur intimité et leurs petits secrets.

La volonté de savoir
Le goût de dévoiler, indéfiniment, ce qui n’est pas et ne sera jamais montré, voilà ce qui anime sans doute les auteurs de politique fiction. La palme, dans ce domaine, revient aux plus gonflés : Grégory Magne et Stéphane Viard. Ils réalisent depuis quelques semaines des films « chics et pas chers » dont les images donnent vie à nos angoisses. De Comme une Ombre, récit d’un sbire de Nicolas Sarkozy qui, une fois l’élection remportée, relate les « coups bas de la campagne » pour lesquels il a été embauché, à La Fièvre, projection de notre société en 2020… quand nous nous mordrons les doigts de ne pas avoir assez écouté les Cassandre de l’écologie, les fictions font mouche. 2007 sera définitivement une année politique. Les élections y scanderont notre présent et hantent déjà nos rêves.

Le Pacte secret, de Albert Algoud & Pascal Fioretto, Editions Albin Michel. Parution le 18 janvier
Main basse sur l’Elysée, de Pierre Maraval, Hudo Editions. Parution le 18 ou le 25 janvier.